Dans le documentaire “Make Me a Man”, des hommes d’un groupe de parole évoquent leurs problèmes, leur rapport aux pères, aux pères, aux femmes … Leur parole, intime, résonne loin des clichés de la sur-masculinité usuelle dans nos sociétés actuelles. Un film réalisé par une documentaliste, Mai Hua. Je rassemble ici mes notes et ma sensibilité d’homme, ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas d’un compte-rendu fidèle au film, que je recommande.
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La société dicte aux hommes un comportement dit d’homme. Les émotions sont dénigrées, la vulnérabilité est une faiblesse, les hommes ont seulement appris à faire la guerre, pas la paix. La guerre, c’est l’esprit de compétition, l’agitation, être le premier, écraser l’autre. Les injonctions sont « sois fort », « sois dans le contrôle », « je n’ai pas besoin d’aide ».
Le système sociétal de compétition s’étend même dans la façon de gérer un pays, où quasiment toutes les communautés humaines mettent en avant « l’homme fort », le mâle, à la place des idées dans la collaboration.
C’est à la guerre que le mâle trouve toute sa justification, dans l’héroïsme : il défend son pays, sa famille, ses enfants, sa femme, et il le fait dans l’impunité d’infliger exactement ce qu’il défend aux êtres humains d’en face. Tant que la guerre sera un acte héroïque de bravoure et non pas un crime fondamental, l’homme restera une brute par définition. L’homme se définit ainsi lui-même par la violence comme ingrédient principal. Le héros est violent et il s’emmure dans le silence. C’est ça, un homme, un vrai.
Une des conséquences de l’immaturité des hommes est qu’ils ne se rendent pas compte de leur comportement. Les hommes ne sont pas éduqués à observer leur propre comportement. Notre société misogyne a appris aux hommes de ne pas être féminins. Pourtant, la masculinité n’est pas l’opposé de la féminité, elle est seulement l’opposé de l’enfance de garçon. Et pas un prolongement de cette dernière. Ainsi l’attention, les émotions, et les relations sont les territoires des femmes.
Les hommes ne sont pas concernés, pas vraiment en tout cas, par une profonde et systématique culture de paix, de bienveillance, d’ouverture à l’autre. Les jeunes hommes sont élevés dans l’esprit d’une certaine compétition, pas celle qui conserve la primauté à la célébration de la fraternité et du partage de joie, mais celle où il faut battre l’autre, que ce soit en sport, en entreprise ou en politique.
On trouve ainsi beaucoup de comportements autoritaires, abusifs, présomptueux, immatures .. élevés au rang de normalité. La figure de cet homme-là n’est pas dominante, mais absolutiste ! Je pense que ce que nous infligeons à la planète est directement une conséquence de cet esprit de mâlitude qui ne sait pas être ni vivre en paix, même pas avec lui-même.
Ainsi, des paroles telles que » sois juste comme tu es, tout va bien » , » fais de ton mieux « , « fais confiance à ton cœur », qui mettent l’autre, notamment l’enfant, en valeur et en avant, n’existent pas dans ce type de schéma.
Dans les cultures anciennes, au retour des campagnes de chasse ou de guerre, des rituels de libération attendaient les hommes. Les hommes devaient passer par un processus de libération de ce qu’ils avaient vécu, pour retourner à des comportements sociaux de paix (nos ancêtres n’engageaient-ils si la guerre souvent qu’on le pense, tant le coût était insupportable et la paix avait beaucoup plus de valeur ?). L’expression des émotions, la libération de la parole, les rituels chamaniques concourraient à ce retour à la paix intérieure, paix qui prévalait en vie sociale. Dans nos sociétés, il n’y pas de « retour » à un comportement de paix, puisqu’on n’arrête jamais les guerres, fussent-elles internes.
Nous devrions peut-être réinventer cet échange et ces lieux où les hommes puissent se permettre d’être eux-mêmes, d’exprimer leurs émotions, dans un cadre loin de tout jugement et en les encourageant à laisser de côté les injonctions de super-masculinité. Pour certains, ce serait apprendre à le faire ! Leur permettre de parler de leurs enfances, de leurs pères, mères, de leur rapport aux femmes, de sexe. Et de ménager un espace où les émotions ont leur place, pour exprimer, expurger, dédramatiser, relativiser, trouver une place plus supportable à leur humanité … réveillée, révélée ? Et, qui sait, y ajouter des rituels d’expression corporelle ? C’est quand un homme devient authentique et commence à faire non pas ce qu’il « doit » faire, quand il fait ce qu’il a vraiment envie de faire, alors il est plus réfléchi et plus doux, il prend substance et valeur. Voilà pourquoi je veux créer un groupe de parole d’hommes.
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